Virée chez les elfes.

Booskar s'ennuyait...
La vie lui semblait bien fade ces derniers temps, et il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas tué un elfe...
Il fallait faire quelque chose pour enfin rompre cette monotonie...
La pièce qu'il occupait était une chambre ombragée d'où l'on pouvait apercevoir d'un côté la zone neutre, terre de combats où deux humains s'acharnaient sur un troll imprudent, et de l'autre les bâtisses imposantes du Mur de Lumière, gardiennes du Nord des terres naines.
Un peu à l'écart se trouvait son ancienne demeure, le palais des NAINS qui se dressait dans toute sa splendeur près d'un fleuve, comme pour symboliser la puissance et la suprématie des nains dans le Lorndor.
D'après les ronflements sonores qui perçaient à travers le mur pourtant épais de la pièce, on pouvait imaginer Hokno le chaotique cuvant sa bière dans la pièce voisine, probablement affalé à même le sol faute d'avoir pu atteindre son lit.
S'il tournait la tête, Booskar se trouverait face à son compagnon de toujours, -Aeonfull-, plongé dans un manuel traitant de l'art d'utiliser la glace, notamment pour en faire de puissants éperons fondant sur l'adversaire sans lui laisser la moindre chance de contenir l'attaque.
Néanmoins, en l'observant plus attentivement, il remarquerait un léger filet de bave dans sa barbe symptomatique d'un nain assoupi depuis une bonne demi-heure...
Quant à lui, il se livrait comme souvent à son occupation favorite (après la chasse à l'elfe), qui consistait à frotter sa hache jusqu'à ce qu'elle brille suffisamment pour rendre aveugle quiconque contemplerait trop longtemps sa magnificence.

Soudain, Throdd fit irruption dans la pièce.
Manifestement, le champion des DDW s'ennuyait autant que lui...
Ce n'était d'ailleurs pas le seul point commun qu'avaient les deux nains : Throdd tenait les elfes en la même estime que Booskar, même si la haine qu'il leur vouait était moins systématique.
Une lumière s'alluma alors dans l'esprit du nain :
-Throdd ! Cria-t-il comme un dément, réveillant en sursaut -Aeonfull- qui manqua de choir de sa chaise Tu te rappelles du mariage d'Hokno ?
-Et comment, répondit de dernier, une telle fête ça s'oublie pas !
Même les elfes s'étaient joints aux festivités !
-Justement, on devrait remettre ça : je m'ennuie tellement que je vais terminer comme Hokno si ça continue...
Dans la pièce voisine, les ronflements s'interrompirent...
-Ya kelkun ki ma aplé ? bégaya Hokno, apparemment toujours pas remis de sa cuite.
-On va faire une promenade Hokno, parait même qu'il y aura des elfes.
Le mot “elfe” provoqua un effet inespéré sur Hokno qui dessaoula immédiatement :
-Fini de rire, vous contiez quand même pas faire ça sans moi ?
-Ni sans moi ? interrompit -Aeonfull- qui n'avait toujours pas remarqué le filet de bave qui traversait sa barbe, mais qui semblait maintenant parfaitement réveillé.
-Rendez-vous dans une demi-heure les amis, préparez vous et faites le plein en bière, je suppose que vous avez eu tout le temps pour réparer vos armures et vos haches !

Et c'est ainsi que les quatre compagnons partirent faire résonner le nom de la PINTE en territoire ennemi.
Bien des épreuves les attendaient, mais l'aventure n'était-t-elle pas justement ce qu'ils cherchaient ?

Les quatre nains, excités à l'idée d'enfin pouvoir se défouler un peu, partirent donc en direction de l'auberge Eurac, profitant de l'occasion pour aller saluer le patron qu'ils connaissaient bien, pour avoir souvent occupé son établissement en temps de guerre.
Ce jour là, l'auberge était particulièrement calme, ce qui les déconcerta un moment car voir l'auberge Eurac à moitié vide était loin d'être habituel...
Plus étrange encore, le tenancier paraissait effondré, même s'il s'efforçait de n'en rien laisser paraitre.
Intrigué, les compagnons se dirigèrent vers lui et -Aeonfull- lui lança :
-Hé, tavernier !
Qu'est-ce qui se passe ?
Ton établissement n'a plus la côte ?
Pourtant, maintenant que la taverne DDW a été rasée par ces chiens d'allianceux, tes affaires devraient être encore meilleures que d'ordinaire !
-Ne m'en parlez pas, répliqua le tavernier, j'ai l'impression d'avoir troqué mon auberge pour une bibliothèque...
-Rassures-toi, assura Hokno, si tu tenais une bibliothèque, on ne serait surement pas ici en face de toi !
-Que se passe-t-il ? demanda Throdd en jetant un regard réprobateur à Hoknno et Booskar qui riaient toujours si bruyamment que le peu de clients qui restait au pauvre tavernier les toisaient d'un air mécontent...
-Bof, laissez tomber... soupira le tenancier, je ne veux pas vous ennuyer avec ça...
Mais vous prendrez bien une bière ?
-Avec plaisir ! répondirent en cœur Booskar, Throdd, Hokno et -aeonfull-
Soudain, alors que le tavernier remplissait leurs chopes, un grand fracas se fit entendre et un groupe d'orcs immenses pénétra dans l'établissement.
A leur vue, les moins courageux des clients partirent en trombe, alors que les plus téméraires prirent bravement le temps de payer l'aubergiste avant de prendre leurs jambes à leur cou.
Celui-ci paraissait fort contrarié et on pouvait lire dans son regard l'envie manifeste de faire comprendre à ces orcs qu'ils étaient dans SON établissement. Hélas, il en était bien incapable et quand le plus grand des orcs hurla “HO TAVERNIER ! 4 TONNEAUX ET QUE CA SAUTE !!!”, il n'eut d'autre choix que d'aller les chercher.
Pendant ce temps, les 4 compagnons, qui commençaient à y voir plus clair, s'approchèrent de la troupe : le premier, Hokno lança :
“-Hé géant vert ! Je rêve où tu es assis en territoire nain ?
-Clair, enchaina Booskar, en plus depuis que vous êtes arrivés c'est l'infection : on croirait presque reconnaitre l'odeur d'un orc mort desséché
-Normal expliqua Throdd, ils ne vont pas tarder à le devenir !
-Un quart d'heure devrait suffire” résuma -Aeonfull-
Les orcs, après avoir longuement réfléchi, jugèrent que les nains cherchaient la bagarre et se levèrent en serrant les poings et en poussant moult grognements...
Ils étaient 5, dont un, sans doute leur chef, qui paraissait surplomber ses compagnons d'une bonne tête et devait bien être deux fois plus large.
Celui-ci se rassit et lança aux autres :
“-GROUMPFH JPAGSHF STROSSTGH KLEUTGH !” ce qui en langage orc voulait dire quelque chose comme “occupez vous d'eux, ils ne méritent pas de tâter ma massue”.

Les quatre orcs restants s'avancèrent donc chacun vers un nain...

Les quatre amis, après avoir contemplé la statue, se remirent en route.
En s'éloignant de ces terres familières, ils se demandaient pourtant à quoi ils devaient s'attendre : en effet, sans qu'une consigne quelconque ait été donné -officiellement, les seuls statuts en vigueur chez les DDW étaient “nain” et “non nain”, statuts auxquels il fallait ajouter “nain corrompu” pour les A*N*C-, le fait était que relativement peu de gnomes tombaient sous les coups des membres de la PINTE.
Fallait-il foncer dans le tas, investir la bibliothèque et partir avant qu'une réaction conséquente aie pu être mise en place ou valait il mieux jouer la carte des passagers pacifiques souhaitant uniquement accéder à cette bibliothèque sans chercher querelle ?
“Inutile de se mettre tout le monde à dos ,souligna -Aeonfull-, ce sont des elfes qu'on est venu tuer.
-C'est vrai reconnu Throdd. Mais d'un autre côté, faut pas faire de discrimination : c'est pas parce qu'ils sont minuscules qu'ils n'ont pas le droit d'avoir eux aussi ma hache plantée dans le crâne !
-Oui, pas de quartier ! S'impatienta Hokno On aura tout le temps de réfléchir dans cette foutue bibliothèque ! On n'a qu'à foncer dans le tas, c'est pas des gnomes qui vont nous impressionner non de Burkhal !
-D'autant plus remarqua Booskar que si des gnomes squattaient notre territoire en se prétendant pacifiques, j'en connais qui n'hésiteraient pas longtemps à les renvoyer chez eux... Faut pas s'attendre à recevoir un meilleur traitement...”

Alors que nos amis discutaient ainsi avec passion, ils se retrouvèrent en un instant encerclés par des hordes de gnomes à l'allure menaçante.
Booskar esquissa un geste pour se saisir de sa hache mais -Aeonfull- l'arrêta :
“Arrête, tu vas nous faire massacrer. On ne sait même pas ce qu'ils veulent.”
Sans prêter attention à eux, un très vieux et très petit gnome sortit du rang.
Il émanait de lui une aura de sagesse et les gnomes présents semblaient lui vouer une admiration très proche de l'adoration.
Il était suivi d'un autre gnome plus grand et plus épais, à la force de l'âge, qui toisait les quatre nains d'un regard condescendant : celui-ci portait avec peine un énorme livre -qui n'était pas loin d'être plus grand que son vieux compatriote- et jouait manifestement le rôle d'interprète.
Après les avoir dévisagé fort insolemment, il s'adressa à eux de cette façon :
[s]What is your name ?
What is your quest ?
What is your favourite color ?[/s]
[HRP] Excusez moi pour cette petite blague, j'espère que vous aurez reconnu l'allusion. [/HRP]

“Qui êtes vous, et que venez-vous faire ici ?”
-Aeonfull- déclina alors son identité et celle de ses compagnons, ainsi que leur volonté de se rendre à la bibliothèque Nocrate -dont il vanta longuement les mérites dans l'espoir de flatter la vanité de son interlocuteur- avant de cheminer vers le Sud.
Après avoir rapporté ces paroles au vieux gnome, il lui présenta son livre.
Ce dernier, après avoir tourné plusieurs pages, dit :
[Ici, nous traduirons directement les paroles de celui qui était sans nul doute le chef des gnomes. Nos héros ont quant-à-eux connaissance de celles-ci à travers la traduction de l'interprète.]
“-Aeonfull-... Nous te connaissons mais n'avons pas d'opinion tranchée à ton égard.
Néanmoins, il semble que tu aies parfois porté assistance à certains de nos frères quand ils en avaient besoin : tu peux poursuivre ta route.”
Il tourna de nouveau quelques pages et poursuivit :
“Hokno... Tu es bien le chef de l'Armée des Nains Chaotiques ?
A priori, rien n'indique que tu sois notre ennemi mais il parait étrange qu'un chaotique tel que toi puisse venir en paix...
-Vous trouvez aussi ? lâcha Hokno”
L'interprète chuchota quelques mots quelques mots à l'oreille du vieux gnome qui hocha la tête et se tourna vers Booskar :
“Toi, nous te connaissons : sans être un de nos pires ennemis, tu as tué beaucoup de gnomes et nous te détestons. Tu ne passeras pas ici.
-Ben voyons...rétorqua Booskar Faut dire que vous avez pas toujours été réglos avec moi les amis : écartez vous de mon chemin et vos nuques ne s'en porteront que mieux !”
Après que l'interprète eut rapporté ces paroles, le vieux gnome parût mécontent et baragouina des paroles desquelles les nains n'eurent pas droit à la traduction, mais qui provoquèrent les cris de ceux qui les entouraient, ce qui ne laissait rien présager de bon.
Quand tout le monde eut reprit son calme, ce fut le tour de Throdd.
Mais le chef eut beau tourner toutes les pages de son livre, il ne parvint pas à trouver ce qu'il cherchait.
Il se tourna alors vers Throdd d'un air décontenancé et lui demanda :
“Qui es-tu ? Es-tu nouveau en ces terres ? Aucun évènement dans nos registres ne mentionne ton nom...
-Un être bien insignifiant sans doute répondit sournoisement l'interprète, en langage nain pour que Throdd puisse comprendre l'insulte.”
A peine avait-il refermé la bouche que la hache de ce dernier avait envoyé valdinguer sa tête jusqu'aux derniers rangs de la foule qui les encerclait.
“TIENS !!! ÇA T'APPRENDRA A FAIRE LE MALIN ENFOIRÉ !!!
-T'es con Throdd, ils vont jamais nous laisser passer maintenant...se plaint Hokno qui n'étais absolument pas crédible vu le large sourire qu'il arborait.
-Tant pis, il avait qu'à pas se foutre de ma gueule, et pis t'façon il avait une tête à claques.
- Si tu es "nouveau en ces terres" je peux t'apprendre à manier ta hache si tu veux ! Tu te rends compte, ils te connaissent même pas ! railla Booskar
-Ouais ben ça devrait être arrangé maintenant conclut -Aeonfull- résigné.”
En effet, comme il n'y avait plus d'interprète, les nains se retrouvèrent pieds et poings liés sans autre discussion, à l'exception d'-Aeonfull- qui eut le droit de poursuivre sa route surveillé par 2 gnomes taciturnes.
Et c'est ainsi que Throdd, Booskar et Hokno se retrouvèrent au fond d'un cachot, sous bonne garde, et sans avoir rencontré un seul elfe...

Pendant que les quatre nains se morfondaient en prison, -Aeonfull- cherchait le meilleur moyen de se débarrasser de ses deux gardiens...
Il pouvait risquer une attaque surprise, mais cela semblait hasardeux car ceux-ci ce méfiaient de lui et se tenaient sur leurs gardes...
En plus, même s'il parvenait à les terrasser, il ne ferait pas long feu seul en plein territoire gnome, et tout cela risquait fort de très mal tourner...
C'est pourquoi il résolut de ne rien tenter, du moins jusqu'à ce qu'il ait fait ce pourquoi il était venu ici, compulser ce fameux ouvrage sur la magie aquatique.
Pendant ce temps, une grande agitation régnait là où étaient retenus Booskar, Hokno et Throdd : les gnomes semblaient en proie à un violent désaccord et s'étaient divisés en deux camps : l'un fidèle au vieux patriarche, l'autre mené par un gnome ridiculement minuscule aussi excité à lui seul que tous les autres : Booskar avait cru comprendre en écoutant attentivement que son nom ressemblait à “Sharkausie” et que le groupe qu'il menait était désigné par le terme “uèmepé”.
Apparemment, celui-ci réclamait la mise à mort des trois captifs alors que le vieux chef préférait les laisser croupir en prison, pensant peut-être qu'ils pourraient leur être utiles à l'avenir, de quelque manière que ce soit.
Mais ce n'était pas le tout, il s'agissait maintenant de songer à sortir de ce trou !
En combinant leurs forces, peut-être Throdd et Booskar arriveraient-ils à tordre assez les barreaux pour pouvoir sortir de la cellule mais comment parvenir à se débarrasser de la horde de gnomes qui les séparaient de la sortie ?
La seule chose à faire était donc manifestement d'attendre et d'espérer qu'-Aeonfull- pourrait faire quelque chose pour eux...
Justement, ce dernier était arrivé à la bibliothèque NoCrate et, alors qu'il parcourait le vieux grimoire qu'il était venu chercher, il fut frappé d'une soudaine inspiration : avec un peu de chance, si tout se passait bien, il parviendrait à secourir ses compagnons.
Néanmoins, ses chances de succès étaient minimes et, qu'il réussisse ou non, il lui faudrait renoncer à tout jamais à remettre les pieds en territoire gnome sans argument de poids...
Il commença par glisser le livre dans sa sacoche le plus discrètement possible et, avant que quiconque n'ait ou réagir, il matérialisa une énorme vague qui mit immédiatement hors combat ses surveillants et tous ceux qui auraient pu lui barrer la route.
Hélas, bien qu'il ait fait en sorte de concentrer son attaque sur les héros qui se trouvaient là, il avait certainement endommagé de nombreux ouvrages... Qu'importe, de toutes façons il n'avait pas le temps de s'attarder ici pour se rendre compte de l'étendue des dégâts : sa rapidité serait la clef de la réussite de son plan.
Le plus vite possible, il se rua hors du bâtiment et courut à toute vitesse vers le lieu de leur arrestation : ayant pris le soin de s'assurer de la direction que prenaient la troupe et les prisonniers, il ne mit pas bien longtemps à trouver la bâtisse où ils étaient détenus. Après avoir vérifié discrètement qu'il s'agissait bien du bon bâtiment, il se posta à quelques mètres de celui-ci, sortit son grimoire et, après l'avoir lu attentivement , leva les bras et se concentra intensément : à quelques pieds de hauteur apparurent soudain quelques gouttes d'eau qui, au fur et à mesure que d'autres gouttes s'agglutinaient, représentèrent bientôt une quantité considérable de liquide.
Puis, au prix d'un incroyable effort, il s'efforça d'en porter la concentration à son paroxysme, jusqu'à ce que l'eau n'occupe plus qu'un volume équivalent à celui d'une petite chope et, brusquement, il relâcha son emprise : l'eau explosa avec violence et le bâtiment s'effondra avec fracas sur ses occupants.
Harassé par le terrible effort qu'un tel tour de force avait exigé, -Aeonfull- perdit alors conscience et s'effondra presque aussi misérablement que sa cible.
De leur côté, Booskar, Hokno et Throdd -qui avaient bien failli mourir écrasés par les décombres- profitèrent de ce que les gnomes, déjà divisés, étaient trop désorientés et surpris pour réagir et s'éclipsèrent sans demander leur reste en se disant que décidément, les gnomes étaient très loin d'égaler les nains s'ils n'étaient même pas capables de construire un édifice tenant la route : Throdd décida même de leur laisser sa carte, au cas ou ils décideraient de reconstruire cette ruine.
Quand ils parvinrent à se dégager des débris, Hokno déclencha très vite un séisme qui traça une faille grandissante entre les nains et leurs ennemis. C'est à cet instant que Booskar aperçut le corps inerte d'-Aeonfull- près du bâtiment et il comprit alors ce qui avait provoqué la destruction de leur prison : sans perdre un instant, il s'élança et sauta par dessus la crevasse, se rattrapa d'une main à l'autre versant non sans manquer de tomber dans l'abîme, se hissa et courut porter secours à son ami. Voyant que celui-ci n'étais qu'évanoui, il le haussa sur ses épaules et fit demi-tour pour rejoindre Hokno et Throdd mais un problème se heurta à lui : comment traverser la faille en portant son compagnon ?
Le temps pressait car les gnomes, qui avaient eu grand peine à se débarrasser de décombres plus grandes et bien plus lourdes qu'eux, étaient maintenant presque tous debout et s'élançaient vers lui de toute la vitesse que leur permettaient leurs petites jambes...
Ne pouvant pas rester ici un instant de plus sous peine d'être à nouveau capturé, il cria à Hokno :

“On se sépare, rendez-vous à Olasdoul !”

Éreinté, les épaules meurtries par le poids de son compagnon, Booskar s’effondra au sol. A bout de souffle, il attendit l’attaque des gnomes avec résignation mais curieusement, celle-ci ne vint pas. S’attendant au pire, il se retourna et constata avec soulagement qu’il avait semé ses poursuivants : l’avantage avec les gnomes se dit-il, c’est qu’eux ils ont des jambes encore plus courtes que les nôtres. Au prix d’un suprême effort, il se traina jusqu’au promontoire rocheux qui se dressait devant lui, emportant tant bien que mal son ami –Aeonfull- et s’écroula immédiatement dans un profond sommeil.

A son réveil, il mit un certain temps à comprendre où il se trouvait ; quand il eut repris ses esprits, il fixa avec embarras –Aeonfull- qui ne semblait pas se remettre de l’effort qu’il avait dû fournir pour libérer ses compagnons…
Qui savait où se trouvaient Throdd et Hokno en ce moment ?
Dans une taverne pouilleuse à coup sûr…
En se levant, il constata avec plaisir que ses jambes ne le faisaient presque plus souffrir et qu’une rivière coulait non loin d’ici. Quelques instants plus tard, il avait rapporté un peu d’eau au moyen de son casque et s’était occupé d’-Aeonfull- du mieux qu’il avait pu : il ne restait plus qu’à attendre que ce dernier soit de nouveau en état de marcher.
 Soudain, un cri déchirant perça l’atmosphère ; Booskar, quoique relativement peu impressionnable, se retourna brusquement et brandit sa hache : il venait manifestement des profondeurs de la forêt qui se dressait devant lui…
Hésitant, il avança de quelques pas puis se retourna vers –Aeonfull- : sans parvenir à trancher entre son envie de savoir de quoi il retournait et sa répugnance à laisser son ami inanimé sans protection, il restait statique, sans remarquer les créatures étranges qui le contournaient de chaque côté et l’enfermaient peu à peu… Quand il les aperçut enfin il n’avait plus aucune chance de fuite ; les créatures, qui semblaient en être parfaitement conscientes, resserrèrent le cercle d’abord lentement, puis accélérèrent peu à peu pour finir par courir à toutes jambes vers le promontoire.
Booskar, faisant de même, se positionna sur son ami de façon à le protéger le plus efficacement possible  et quand, au bout d’un moment, il put apercevoir plus nettement l’anatomie de ses assaillants, il ne put réprimer un frisson de dégoût : il s’agissait de cadavres en décomposition dont les griffes et les dents semblaient avoir subi une croissance rapide et démesurée !
Lorsque ces créatures arrivèrent, il serra ses doigts sur sa hache et porta un rude coup au torse de la première arrivée : celle-ci s’effondra, dévala la pente et…se releva ! Commençant à se demander sérieusement comment il allait s’en sortir, il leva sa hache le plus haut possible et trancha d’un coup la tête de la suivante qui s’écroula elle aussi mais qui, contrairement à la première, resta agitée de spasmes sans parvenir à se relever : ainsi, il fallait leur trancher la tête ?
Il allait s’en faire un plaisir, d’autant plus que les créatures ne pouvaient arriver jusqu’à lui que par un seul chemin, le reste du promontoire étant bordé de falaises…



[HRP : désolé, l'image est immense mais la miniature était trop petite...]

Ceci dit, au bout d’un certain temps, son bras commença à fatiguer alors que les créatures semblaient toujours innombrables. En tournant la tête, il constata avec horreur que celles-ci s’amassaient au pied des falaises et grimpaient les unes sur les autres, s’approchant dangereusement du sommet !
Il eut alors un moment d’hésitation dont la créature qui lui faisait face profita immédiatement pour lui sauter à la gorge : n’ayant pas le temps d’esquiver, il se prépara à recevoir l’attaque mais au lieu de celle-ci arriva un souffle glacé qui gela une partie des poils de sa barbe, ainsi que les assaillants environnants :

« Hum, il était temps que tu émerges –Aeonfull- : c’est bien ton genre de roupiller pendant que je me tape tout le boulot !
-Ben toi tu manques pas de culot : t’avais qu’à rester pioncer chez les gnomes si c’était ce que tu voulais !
-Bon, j’avoue, j’aurais eu du mal à m’en sortir sans toi ce coup là.
-Et ce coup ci aussi non ?
-Ce coup ci, même avec ton aide ça risque d’être compliqué ; et d’abord c’est quoi ces trucs ?!
-Ça ? Ça m’a tout l’air d’être des goules, des créatures sans volonté propre à part celle de te bouffer… Il doit sans doute y avoir un nécromancien qui les anime dans le coin, dans la forêt à tous les coups.
-Bon, on n’a pas le choix alors ? je ne pense pas qu’on puisse traverser leurs lignes mais ils ne bloquent pas vraiment l’entrée le la forêt…
-C’est clairement une incitation à y entrer, tu peux être certain que c’est ce que veut le nécromancien : ces goules ne doivent être qu’un avant-gout des ressources dont il dispose…
-Et ben on va lui faire plaisir dans ce cas : prépare toi à courir ! »

A peine les deux nains eurent-ils franchi la lisière de la forêt que le pressentiment d’-Aeonfull- se confirma : les goules, malgré leur claire envie de les poursuivre, s’étaient arrêtées , comme retenues par une force invisible et irrésistible et se contentaient d’empêcher les compagnons d’en sortir.
Booskar ressentait un certain malaise : comment savoir si lui-même n’agissait pas sous l’influence du nécromancien ?
Il tourna la tête vers –Aeonfull- pour lui faire part de ses inquiétudes mais en voyant son ami trembler de tous ses membres, il résolut de ne pas l’angoisser davantage. De toutes façons, en temps que mage, -Aeonfull- ressentait bien mieux que lui la magie et la puissance de leur ennemi et devait certainement s’être posé la même question. Le fait était qu’il n’était pas vraiment remis de l’effort titanesque qu’il avait dû fournir pour sauver ses compagnons des gnomes…
Bon, il va falloir assurer quoi ! décida intérieurement Booskar : ça tombait bien, ça faisait un certain temps que ça ne lui était pas arrivé et pour une fois, c'est lui qui aurait le beau rôle;
Ça tombait bien, un squelette fonçait sur justement droit sur lui et présentait gentiment sa nuque à sa hache : SHTACK ! Le crâne alla rouler hors du sentier. En le suivant des yeux, Booskar réalisa que sa victime était loin d’être seule : en tournant sur lui-même, il aperçut en tout une vingtaine de squelettes avançant vers eux : fidèle à se résolution, il fit face au premier , l’envoya s’écraser sur une branche, se retourna, frappa à l’aveugle, constata avec plaisir qu’il avait fait mouche, attaqua en hurlant de rage et d’excitation le suivant, lui porta un coup puissant et non moins précis puis, sans avoir besoin de se retourner, sentit qu’il allait mourir en voyant, comme dans un rêve, un squelette porter une terrible attaque dans son dos.

Alors, le décor changea brusquement et le nain se retrouva planté devant Throdd déguisé en elfette ; tournant la tête pour échapper à cette vision d’horreur, il vit Hokno siroter une grenadine et plaisanter avec MephistO : tombant à genoux sous le choc, il se retrouva au niveau de Wyrd cirant les bottes de Venom !
Terrifié, il attrapa Throdd, le secoua dans tous les sens et hurla :

« MAIS MERDE !!! C’EST QUOI CE DELIRE ?!!
-Aïe, arrête ! se défendit Throdd en tentant de repousser Booskar, c’est pas notre faute, on est dans ta tête !
-Hein ?
-En fait, se plaignit Wyrd, tu vas mourir et te retrouver ici avec nous pour subir la punition correspondante à tes pêchés…
-T’as compris connard ? gueula Throdd en en toisant Booskar d’un air menaçant, c’est de ta faute si on subit ça !
-Mais ne t’inquiètes pas, susurra Hokno avec un sourire carnassier, tu vas payer aussi par toi-même…
-Pardon ?
-En plus de vivre dans ce décor cauchemardesque, expliqua alors MephistO, tu devras te repentir en effectuant des travaux correspondants à tes défauts : pour avoir été arrogant, tu devras demander chaque jour pardon à tes ennemis ; pour avoir été agressif et pour avoir systématiquement répondu à la provocation, tu devras endurer le fouet et les insultes sans réagir ; pour avoir été extrémiste et intolérant, tu devras soigner des elfes…
-N’importe quoi ! Qu’est ce que c’est que ces conneries ? Je ferai jamais ça !!!
-Malheureusement, il semble que tu n’aies pas le choix… compatit Venom avec toute l’hypocrisie dont il était capable
-Euh, j’ai même pas le droit à un joker ? implora Booskar
-Si dépositaire, il vous reste une alternative déclama un gobelin rabougri que personne n'avait remarqué.
-Kèskifofèr ? s’entendit demander Booskar qui ne comprenait plus grand-chose à ce qui lui arrivait…
-Pour entrer en mode légende, le dépositaire devra obéir à un commandement de chacun ici présent. récita le gobelin.
-En mode légende ? Qu'est ce que c'est que ces conneries encore ?
-Avant toute chose, vous devez comprendre que votre vie se déroule selon le bon vouloir d'une entité supérieure qui donne vie à vos aventures : un écrivain en quelque sorte : si vous décidez d'écrire une histoire, vous aurez un pouvoir absolu sur ce qui s'y passera pas vrai ? La vie est faite comme ça, d'une hiérarchie d'histoires agissant les unes sur les autres.
Dans votre cas, il se trouve que votre « responsable » n'a rien trouvé de mieux pour vous tirer d'affaire.
-Quel incapable ! Je lui dirais bien deux mots moi ! M'obliger à obéir à ces faquins !
-Si cela peut vous consoler dites-vous que votre responsable subira peut-être prochainement les caprices du sien...Cela dit, vous pouvez toujours refuser dépositaire. Mais comme vous pouvez le constater, votre sort si vous mourrez n'aura rien d'enviable...
-J’accepte ! s’empressa d’affirmer Booskar »
Le gobelin se tourna alors vers MephistO :r
« A vous l’honneur elfe » .
Après une courte réflexion, ce dernier déclara :
« Soumets-toi aux nobles idéaux de l’Alliance, lumière gloire et justice
-Je suis vraiment obligé ?
-Absolument décréta le gobelin
-Bon, j’accepte mais croyez-moi, je ne fais pas ça par gaité de cœur… »
Booskar sortit alors de la pièce, puis revint quelques instants plus tard trainant un jeune nain portant les couleurs Avalon : avant que quiconque n’aie pu réagir, il le jeta par terre et, d’un geste théâtral, le décapita net.
« Ben quoi, tuer des nains c’est pas ça les idéaux de l’Alliance ?
-Non, ça ne suffit pas décida le gobelin
-Ahh, j’allais oublier ! C’était un hordeux ! cria Booskar en crachant sur le cadavre, Comme vous tous qui êtes ici ! Vilains hordeux !
-Je préfère ça approuva le gobelin en validant la première tâche malgré les protestations de MephistO. Bon, c’est à votre tour humain »
Immédiatement, Venom déclara : « Tu me tolèreras aux abords du royaume nain. »
Le gobelin prit donc note de la seconde tâche…et la valida sur le champ.
«Qu.. Quoi ? bégaya Venom sans comprendre, Que…
-Tu sais, je te tolère déjà, ça fait un bon bout de temps que tu squattes mon royaume…au bout d’une corde ! [i}s’esclaffa Booskar »
Pendant que Venom et MephistO boudaient,le gobelin se tourna vers Throdd et posa sa question.
Soulagé et pensant à tort qu’il était tiré d’affaire, c’est avec horreur que Booskar entendit :[/i]
« A toi de porter ce déguisement ridicule enfoiré !
-NON, NON, PITIE !! »
Mais cette fois, n’ayant trouvé aucun moyen de s’y soustraire, il fut bien forcé de se soumettre et quelques instants , de nombreux cris et énormément de rires plus tard , ce fut au tour de Wyrd, qui avait bien du mal à garder son sérieux, de décréter :
«Heu, j’sais pas moi…Vas m’acheter un énorme tonneau de bière, et d’la plus chère !
Touggché aux deux points les plus sensibles chez un nain, l’honneur et la bourse Booskar commençait vraiment à en avoir marre.
Heureusement, il ne restait plus que…Hokno. Craignant le pire, il attendit la sentence avec résignation :
« Appelle moi maitre ! exigea ce mégalomane incurable
-Va te faire mettre ! lui répondit Booskar et le gobelin cocha la dernière case.
Bon, je peut me barrer maintenant ?
-Bien entendu dépositaire, dès que je vous aurai expliqué en quoi consiste…
-Ah non ! J’en ai marre, fais moi sortir d’ici tout de suite !
-mais…
-J’ai dit tout de suite !
-A votre guise, mais vous le regretterez »
PLOP !
Booskar se retrouva à nouveau dans la forêt , entouré de squelettes déchainés dont un qui s’apprêtait à l’occire et rien de sa vie ne l’avait jamais autant soulagé !
En un instant, il se retourna et fendit en deux son assaillant qui se mouvait avec une lenteur inexplicable. D’un bond, il se retrouva en face du suivant qui ne lui opposa aucune résistance, pas plus que ceux qui suivirent.
« Vachement pratique ce mode légende ! » se dit Booskar mais il changea d’avis quand il essaya de parler à –Aeonfull- qui ne comprenait pas un mot de ce qu’il racontait et s'exprimait à une lenteur insupportablement normale…
« Fais chier, comment on s’arrête ? J’aurais dû écouter ce foutu gobelin… Je vais quand même pas remourir pour retourner là bas… »
Peut-être fallait-il prononcer une incantation ?
« STOP ! FINI ! TERMINE ! OFF ! MODE NORMAL ! CESAME, FERME-TOI ! »
Pourquoi avait-il prononcé ces mots dénués de sens, il n’en avait pas la moindre idée mais une chose était sure, ça n’avait eu absolument aucun effet.
« FAIS CHIER ? ARRETE MOI CA GOBELIN DE MERDE ! »
Soudain, se sentant lourd, faible, idiot et impotent, il sut qu’il avait réussi : le mode légende semblait être une arme à double tranchant…
« Tu peux m’expliquer ce qui s’est passé ? demanda timidement –Aeonfull-
-… En fait, je suis mort mais je me suis mis en mode légende et je m’en suis sorti.
-Heu, c’est-à-dire ?
-… Tain’, j’suis crevé ! On peut pas faire une petite sieste ? »
-Aeonfull-, se demandant si son compagnon se souvenait de leur situation, se dit que la seule chose dont il était certain, c’est que ce dernier avait grand besoin de se remettre les idées en place.
« Bon, je monte la garde, repose-toi ».

Un peu moins d’une heure plus tard, les deux nains étaient de nouveau en chemin et progressaient assez rapidement vers … heu… vers l’inconnu.
Étrangement, ils n’avaient subi que peu d’attaques depuis l’embuscade des squelettes : à peine un ou deux zombies qui tenaient à peine sur leurs jambes; soit le nécromancien ne disposait pas de beaucoup d’effectif, soit ils faisaient exactement ce qu’il voulait sans qu’il ait à mobiliser ses créatures.
« Les nécromanciens tirent souvent leur pouvoir d’un objet, d’un lieu donné dont ils ont domestiqué la magie, ou parfois des deux à la fois.
Dans notre cas, le pouvoir de notre ennemi est très certainement lié à cette forêt, ça justifierait la faiblesse des goules qui nous ont attaqués en bordure. Expliqua –Aeonfull-
-La magie d’un lieu ?
-Oui, chaque lieu est empreint de magie. La mages ne créent pas la magie, ils s’en servent : pour ma part, comme la plupart des mages, je la stocke dans mon bâton mais ce n’est pas la seule possibilité, il est aussi assez fréquent de se servir d’une bague ou d’un pendentif.
Certains prétendent même lire l’avenir en se servant d’une boule de cristal mais c’est quand même très douteux.
-Je vois… bluffa Booskar qui ne voyait pas grand-chose et aurait bien testé le truc de la boule de cristal.
-On ne devrait plus tarder à rencontrer notre ennemi maintenant : nous sommes pratiquement au cœur de la forêt.

-Aeonfull- ne croyait pas si bien dire : à peine eut-il prononcé ces paroles qu’une fleur poussée sur le chemin entama une croissance accélérée et l’enserra en une fraction de seconde, le privant de tout mouvement.
Immédiatement, son compère brandit sa hache et trancha net les liens qui retenaient son ami.
En garde, les deux nains attendirent la prochaine attaque.
« Hum, pas facile de se battre contre les deux à la foaaaa... Se plaint le nécromancien en apparaissant devant eux.
-Surtout, ne compte pas sur nous pour te mâcher le travail !l’avertit Booskar en fonçant droit sur lui.

Immobile, le nécromancien se contenta de le regarder en souriant.
Sans chercher à comprendre cette attitude pour le moins étrange, le nain brandit sa hache et s’apprêtait à frapper quand une douleur aiguë lui transperça le bras : une goule surgie de nulle part avait lacéré son biceps et lui aurait sans doute arraché le bras s’il ne l’avait pas aperçue juste à temps pour amorcer une esquive.
-Joli réflexe maitre naiiiin ! applaudit le nécromancien mais voyons si vous pourrez vous battre longtemps avec une telle blessuuuure…

Avant que Booskar n’ait pu faire quoi que ce soit, dix goules apparurent, l’encerclèrent et se jetèrent sur lui mais, en une fraction de seconde, chacune d’elle vit un pieu de glace transpercer son corps.
Ne laissant pas au nécromancien le temps d'exécuter un nouveau tour machiavélique, il battit en retraite vers –Aeonfull- qui s’empressa de soigner sa blessure.

-Vous m’étonneeez ! s’exclama le nécromancien : l’un est un grand guerrier et l’autre sait manier la magie curative aussi bien que la puissance de la glaaace ! Vous prendrez une place de choix dans mon armééée !
-J’imagine que tu t’en est rendu compte, chuchota –Aeonfull-, la force de ces goules au cœur de la forêt n’a rien à voir avec celle qu’elles avaient à sa lisière.
Maintenant, il va chercher à neutraliser l’un de nous parce qu’il a très bien compris que notre force venait de notre complémentarité : si je te protège, c’est moi qu’il va attaquer et si je l’en empêche, tu seras à la merci de ses créatures.
-Ces créatures, c’est lui qui les anime non ? Elles n’ont pas de volonté propre c’est bien ça ?
-C’est exact mais où veux-tu en venir ?
-Ça doit être vachement dur de se focaliser à la fois sur son corps et sur ses pantins : si je l’attaque et que je le force à bouger sans arrêt, il ne pourra surement pas nous attaquer tous les deux à la fois : il sera forcé de se concentrer sur moi et tu ne risquera pas grand-chose je pense.
-Mouais… Donc je te protège c’est ça ? Ça t’arrange bien pas vrai ? Enfin, c’est pas idiot et de toutes façons je n’ai pas d’autre idée, ça marche.
-Quelles sont donc ces messes basses messires naiiiins ? Dois-je vous rappeler que le temps n’est pas à la parooole ?
-T’as raison acquiesça Booskar mais si t’as quelque chose à dire avant de mourir c’est le moment.
-Très drôôôle !!! les nains sont décidément de joyeux lurooons ! »

Sur ces paroles, le nain se lança à nouveau en avant, mais cette fois protégé par la magie d’-Aeonfull- qui matérialisait un bouclier de glace entre lui et ses ennemis dès que ceux-ci faisaient mine d’attaquer.
En quelques instants, il se trouva face à sa cible et porta un coup puissant que le nécromancien ne parvint pas à éviter totalement.
« Et bien papi ? Si tu bouges aussi lentement tu ne vas pas tarder à rejoindre tes serviteurs !
-Oh Oh, très bien mais je n’ai pas dit mon dernier mooot !
-Dépêche toi alors ! » cria Booskar en se ruant vers l’avant pour l’assaut final.
Tout alla ensuite très vite : alors qu'il était en plein milieu des créatures, une goule isolée surgit de l’ombre et se jeta sur –Aeonfull-. Celui-ci, n’ayant absolument rien vu venir, subit le coup de plein fouet mais la goule, faiblarde et chancelante, ne parvint qu’à égratigner sa cuirasse sans le blesser ; hélas, ce fut suffisant pour interrompre sa protection magique : son compagnon se vit tout d’un coup agressé de toutes parts par les créatures du nécromancien et, contraint d'esquiver désespérément le plus de coups possibles, alla finalement rouler à ses pieds.
Celui-ci prononça alors une mystérieuse incantation et Booskar sentit soudain sa peau se flétrir et ses poumons se rétracter : bientôt, il ne pourrait plus respirer et serait réduit à l’impuissance et à l’attente de la mort. Déjà, ses paupières se fermaient et son champ de vision rétrécissait : il ne voyait plus que les bras tendus du nécromancien…plus que ses mains…plus que ses doigts… Une grosse bague d’un noir de jais ornait son annulaire…
« La mages ne créent pas la magie, ils s’en servent , il est assez fréquent de se servir d’une bague ou d’un pendentif. » Les paroles d’-Aeonfull- résonnèrent dans sa tête.
Rassemblant toutes les forces qui lui restaient, il se redressa au prix d’un effort surhumain et, dans une ultime tentative, abattit sa hache sur le poignet du nécromancien : la main alla rouler dans les fourrés et le sort cessa instantanément.
Alors que leur maître se tordait de douleur, les créatures marquèrent un temps d’arrêt qui leur fut fatal : immédiatement, -Aeonfull- fit souffler un blizzard qui les gela toutes sans exception et n’épargna pas même Booskar qui peina à se dégager.
Celui-ci s’avança alors vers le nécromancien à terre et éleva sa hache :
« Attendez maitre naiiin, je… »
La faucheuse s'abattit.

Quelques jours plus tard, Booskar et -Aeonfull- franchirent les portes d'Olasdoul sans qu'aucun autre obstacle conséquent ne se soit dressé sur leur chemin.
Restait à retrouver Throdd et Hokno, ce qui ne présentait pas de difficulté majeure, Olasdoul ne comptant qu'une unique taverne. Le premier réflexe des deux nains lorsqu'ils y entrèrent fut de s'affaler sur la première table libre qu'ils trouvèrent et de gueuler jusqu'à ce que le tavernier se décide à leur servir deux pintes de bière bien remplies : ils n'avaient pas mis les pieds dans une taverne depuis le début de leur voyage, Throdd et Hokno pouvaient bien attendre !
De toutes façons, s'ils étaient là, ils ne tarderaient pas à se faire remarquer et s'ils n'y étaient pas, c'était ici qu'il fallait les attendre. Or, enchainer les bières était le meilleur moyen de faire passer le temps aux yeux de Booskar (mis à part tuer des elfes mais ça avait l'avantage d'être plus reposant, du moins jusqu'à ce qu'une bagarre générale n'éclate, ce qui finissait quand même la plupart du temps par arriver) et la bibine du tavernier, bien qu'elle ne vaille pas celle des BARBUS, était tout à fait acceptable.
Il posa lourdement sa huitième chope sur la table.

***

A une vingtaine de kilomètres, Hokno, la tête en bas et attaché par les pieds, s'employait tant bien que mal à empêcher quelques sales gosses trolls d'arracher sa barbe sous les yeux larmoyant de Throdd qui avait été désigné pour servir d'entrée au festin annuel donné en l'honneur de la déesse Yaka'mar et qui, en conséquence, avait été lavé et trempé dans toutes sortes de sauces répugnantes qui constituaient apparemment l'assaisonnement le plus délicat dont les trolls qui les avaient capturés disposaient.

***

Pfff, pas moyen de se reposer une seconde, pesta Booskar en écrasant la tête d'un humain sur le mur. Il en était à peine à sa 17eme chope quand un orc avait saisi un gnome qui l'avait selon lui regardé de travers (ce qui était peu probable étant donné que ce dernier, ivre mort, était incapable d'ouvrir un œil après avoir vidé un demi-verre de panaché cul sec) et l'avait envoyé valdinguer sur un tauren qui, mécontent, avait voulu rendre la pareille à l'envoyeur mais avait touché un nain qui s'était écroulé par terre sous le choc. Booskar et -Aeonfull- s'étaient alors levés et avaient châtié le malfaiteur comme il se doit, ce qui n'avait pas plus à ses congénères qui s'étaient levés à leur tour, jusqu'à ce que la taverne ne soit plus qu'un champ de bataille : même le tavernier était aux prises avec un elfe et deux gnomes.
Dans la mêlée, -Aeonfull- s'était retrouvé face à un troll sauvage et, contraint d'esquiver le tourbillon de poings qui s'abattait sur lui, se demandait de plus en plus sérieusement s'il n'allait pas invoquer un sort à effet de zone...
« Niiaaahhh, tu m'énerves petit nain... Laisse toi attraper !
-Le jour où tu attraperas un nain n'est pas arrivé troll puant.
-Fanfaronne tant que tu peux... Bientôt je t'aurai et tu rejoindras les nabots qu'on a attrapé avant-hier !
-C'est mal de mentir; un maladroit comme toi est totalement incapable d'un tel exploit...
-Frathurok ne ment pas... Ils portaient les mêmes couleurs que toi avorton ! Regarde, j'ai volé ça au plus rabougri ! »
Le troll exhiba alors fièrement un pendentif à l'effigie d'une chopine qu'-Aeonfull- reconnut à l'instant : c'était celui d'Hokno. Il marmonna quelques incantations et une déferlante d'eau submergea tous les bagarreurs. Quelques paires de claques plus tard, les deux nains se mirent en route vers le camp de Frathurok après avoir constitué ce dernier prisonnier.
« Je comprends pas... Pourquoi me faire prisonnier si vous aller ensuite vous faire prisonniers vous mêmes ?
-N'essaie pas de comprendre, économise tes forces pour marcher.
-Vous pensez que les trolls sont bêtes hein ? Mais c'est vous les bêtes : seuls les imbéciles vont de leur plein gré vers un camp troll.
-Ca doit être ça. Maintenant sois gentil, indique moi le chemin !
-Avec plaisir avorton : par là... »
Ayant marché de bon train, la procession arriva sans tarder en vue du campement où étaient retenus Throdd et Hokno : après avoir assommé, ligoté et bâillonné leur captif, Booskar et -Aeonfull- se concertèrent :
« Bon, ça risque d'être assez délicat quand même : ça a l'air de fourmiller là dedans...
-Ouais. Et la discrétion, c'est pas ma spécialité...
-Si au moins on savait où sont Throdd et Hokno... Et faut pas compter sur l'autre pour nous le dire, il gueulerait le plus fort possible pour ameuter ses congénères..
-Ben va falloir faire sans. On se sépare, rendez vous ici dans deux heures et tâche de pas te faire remarquer !
-Ben voyons... »
Après avoir ainsi décidé de la conduite à suivre, Booskar et -Aeonfull- prirent la direction du campement : le premier se dirigea vers les habitations et le second bifurqua vers la zone plus animée où régnait davantage d'agitation.
La tâche était ardue : si ils étaient vus, ils seraient immédiatement pris, aucune raison ne pouvant justifier leur présence en ces lieux aux yeux des trolls; heureusement, ces derniers, ne s'attendant pas à ce que deux nains se jettent ainsi dans la gueule du loup, n'étaient pas sur leurs gardes et ne prêtaient pas attention à ce qui passait pour ainsi dire sous leur regard...
Avec beaucoup de prudence et non sans frayeurs, chacun des compagnons put donc à s'infiltrer avec succès.

Frathurok était en colère : les deux nabots l'avaient assommé et il n'avait jamais eu aussi mal à la tête depuis la dernière correction qu'il avait reçu de son père ! Ils ne perdaient rien pour attendre, il se vengerait !
Il se tordit dans tous les sens mais rien à faire, il était trop bien attaché pour espérer se libérer...
L'écorce rugueuse de l'arbre lui labourait le dos... Contre toute attente, c'est cette douleur qui lui indiqua la voie à suivre : d'après la surface qu'elle affectait, même un troll comme lui n'eut pas de mal à déduire que le diamètre de l'arbre auquel il était attaché était modeste. Il banda tous ses muscles et, la force exacerbée par la rage, entreprit de le déraciner.

***

Booskar était maintenant au cœur des habitations : à cette heure de la journée, la plupart étaient vides et il risquait donc moins d'être repéré. En revanche, ses chances d'en apprendre plus sur le sort d'Hokno et Throdd s'en trouvaient d'autant diminuées... Il poursuivit sa progression dans l'espoir d'enfin tomber sur quelque chose d'intéressant : justement, un bâtiment plus spacieux et plus luxueux que les autres se dressait maintenant devant lui : sans plus attendre, il s'y engouffra.

***

-Aeonfull-, tapi dans l'ombre, réfléchissait. D'après ce qu'il avait entendu, c'était le jour de la fête de la déesse Yaka'mar, et les trolls étaient occupés à préparer les festivités : c'était une chance, ils avaient l'esprit occupé et leur cerveau limité n'était pas en mesure de faire attention à lui.
Il était arrivé près d'un bâtiment qui semblait tenir lieu d'armurerie : bien qu'il n'ait à priori rien à voir avec ce qu'il cherchait, son instinct lui commandait d'y entrer.
Hélas,c'était chose presque impossible : l'entrée était en pleine lumière et était animée d'un va et vient continuel... Il n'avait pas vraiment le choix : une pluie de glace abattit une tente avoisinante et, profitant que les trolls accouraient sur les lieux, il se faufila dans l'armurerie et se cacha derrière une armure. Peu après, deux guerriers entrèrent dans le bâtiment :
« Rraahhh !!! Encore ce maudit sorcier qui fait des siennes ! Qu'attend-on pour en finir une bonne fois pour toutes avec cette catastrophe ambulante ?
-Tu devrais être plus prudent Thraeff : le sorcier est dans les bonnes grâces du chef depuis qu'il a trouvé une mine d'or dans sa boule magique.
-Mon cul ! Cette mine a été trouvée par les éclaireurs que j'ai envoyé, pas par cet incapable !
Ça n'étonne donc que moi qu'ils aient tous été massacrés sur le chemin du retour et que comme par hasard, ce magicien de pacotille choisisse ce moment pour trouver une mine ?
-Tu sous-entend que c'est lui qui a...
-Tu m'as très bien compris. La seule chose qu'il voit dans sa boule, c'est que vous êtes assez stupides pour croire à ses sornettes !
-Nom d'un humain, tais-toi maintenant ! Si on t'entendais tu irais rejoindre le nain sur la table du banquet !
-Humf, je préfèrerais encore ça que d'être à la place de l'autre : servir de cobaye aux expériences du sorcier... Ça fait froid dans le dos !
-Ça c'est sûr ! D'ailleurs on ferait bien de s'assurer qu'ils sont bien gardés, tout le monde ne pense qu'à s'amuser aujourd'hui ! »

Sur ce, les trolls prirent les armures qu'ils étaient venus chercher et sortirent à grands pas, suivis discrètement par -Aeonfull-.

***

Frathurok avait de la chance : l'arbre était jeune et ses racines peu profondes; il avait déjà réussi à en extraire une du sol et en avait entamé une deuxième de façon conséquente mais, exténué, se trouvait absolument incapable de fournir un seul effort supplémentaire.
Qu'importe, sa rage ne tolèrerait pas la moindre pause tant qu'il n'aurait pas étripé les nains : il dégagea la seconde racine dans un râle de douleur.

***

Booskar sortit de la hutte d'un air réjoui, un parchemin roulé sous le bras : après maintes fouilles infructueuses, il était finalement tombé sur une sorte de plan des lieux et, sans être absolument certain de la position exacte de ses compagnons, il avait au moins une idée de la direction à prendre.
Plus il avançait, plus son intuition lui confirmait qu'il était sur la bonne voie. Il aurait voulu hâter le pas mais il devait rester prudent : hors de question de tout perdre si près du but ! Il lui fallait maintenant traverser l'allée qui se trouvait devant lui mais au moment de se lancer, il aperçut deux trolls qui avançaient vers lui : promptement, il plongea dans l'ombre et, dès qu'il furent passés, se jeta en avant pour traverser le plus vite possible. Ce fut une erreur : il heurta violemment un troisième individu qui suivait de près les deux autres et tomba à la renverse.

***

Il y était presque... L'arbre était pratiquement déraciné maintenant. De la bave et du sang coulaient de la bouche grande ouverte de Frathurok et ses yeux exorbités exprimaient une souffrance atroce : ses multiples déchirures musculaires s'aggravaient au fur et à mesure qu'il poursuivait son effort. La douleur devenait insoutenable, son champ de vision n'était plus qu'un rideau noir et il se sentit chanceler... Il ne pouvait plus résister, même sa haine ne suffisait plus à le maintenir debout : il s'écroula sur le côté et...entraina l'arbre mutilé avec lui.
Gémissant, il commença à ramper vers le campement.

***

Tout était perdu pour -Aeonfull- : il était tellement concentré sur les trolls qu'il suivait qu'il en avait oublié de faire attention à son entourage et il était maintenant repéré : il avait heurté un guerrier à un carrefour ! D'ailleurs, il était vraiment petit pour un troll... Et pour cause : ce n'en était pas un, c'était Booskar. Ce dernier avait déjà levé sa hache quand il s'aperçut de sa chance : les deux nains, n'en revenant pas, restèrent un moment sans réaction au beau milieu du chemin avant de gagner un endroit plus à l'abri des regards :
« Imbécile ! Tu peux pas regarder devant toi ?
-Et la priorité à droite ?
-Quelle priorité à droite ? On est pas au permis griffon !
-Bon laisse tomber... Par où on va maintenant ? Les types que je suivais sont partis !
-Pas grave, j'ai un plan regarde... »
Sur ce, ils poursuivirent leur route et arrivèrent sans tarder à leur but.
Il s'agissait maintenant d'être subtil : comment libérer Throdd et Hokno sans que le camp entier ne leur tombe dessus ?

Les nains n'avaient pas de chance : ils étaient arrivés juste à temps pour voir les gardes somnolents se faire sermonner et reporter promptement toute leur attention à leur tâche : les prisonniers étaient détenus dans un bâtiment situé au beau milieu d'une place, entouré d'une grande zone de découvert : impossible d'y accéder sans éveiller l'attention des trois gardes postés autour. Alors qu'ils se demandaient ce qu'ils allaient bien pouvoir inventer pour sortir leurs compagnons de là, les nains virent un troll exentrique arriver sur les lieux : ses vêtements étaient en lambeaux (même selon les critères trolls) et il zigzaguait en penchant la tête sur le côté et en roulant des yeux dans tous les sens. Son air hagard le rendait réellement effrayant et de fait, les gardes de semblaient pas particulièrement réjouis de le voir débarquer...[/i]
« Hors de mon chemin misérables vermisseaux ! Allez me chercher mon cobaye !
-Sauf votre respect grand sorcier, on ne doit pas...
-Allez le chercher ou je fait pleuvoir un millier de malédictions sur vos familles ! »
Les gardes baissèrent les yeux et s'empressèrent d'obéir : le sorcier avait l'habitude d'obtenir ce qu'il voulait et seul un téméraire aurait fait obstacle à sa volonté.
« Bien ! Maintenant toi, vas me chercher du gui et apporte le moi dans ma hutte !
-Mais Thraeff nous a ordonné de...
-A qui préfères-tu désobéir : lui ou moi ? »
Cez'toh n'était pas troll à chercher les complications : il préférait désobéir à celui qui se trouvait le plus loin de lui et donc le moins susceptible de lui en faire voir de toutes les couleurs : il se dirigea donc vers la forêt qui bordait le camp sans discuter : après tout, deux gardes suffisaient bien pour garder un prisonnier !


Frathurok progressait peu à peu. Chaque mètre valait bien un millier de morts : même les corrections de son père n'étaient rien comparées à ça. Pourtant, il ressentait de moins en moins la douleur et commençait à flotter sur un nuage : la sensation n'était d'ailleurs pas désagréable... Ce qui l'était en revanche, c'étaient les hallucinations auxquelles il était sujet depuis quelques mètres : il aurait souhaité ne jamais revivre certains instants de sa vie, et la mort de sa mère criblée de flèches elfiques en faisait partie.
Il savait qu'il n'allait pas tarder à la rejoindre mais avant cela, il fallait qui alerte le camp de la présence des nains...


Cez'toh se trompait : profitant de ce que le sorcier attirait toute l'attention, Booskar s'était rué vers la geôle et caché sous le plancher surélevé.



Depuis, il s'employait à le saboter discrètement : le travail était long et fastidieux mais c'était le seul moyen d'arriver à ses fins : passer par l'entrée ne pouvait se faire sans combattre les gardes qui n'auraient pas manqué d'ameuter tout le village.
Ca y est, il avait percé un trou. Restait maintenant à l'élargir assez pour qu'il puisse faire office de passage. Booskar accéléra la cadence : si quelqu'un entrait, il le remarquerait forcément et les choses se compliqueraient sérieusement mais après tout, il n'y avait aucune raison pour que quelqu'un rentre pas vrai ? Le trou était presque assez large maintenant... Les planches du perron craquèrent.


-Aeonfull- suivait le sorcier à distance, ce qui n'était pas bien difficile : personne ne tenait à le croiser et tous les chemins qu'il empruntait étaient déserts.
Quant à lui, il était trop occupé par Hokno qui, bien qu'attaché, saisissait la moindre occasion de lui en faire voir de toutes les couleurs pour remarquer l'intrus; toutes ses abominables imprécations n'y changeaient rien : Hokno continuait à lui donner des coups de pieds, à peser de tout son poids (non négligeable) dans le sens contraire de la marche et essayait même de le mordre de temps à autres. Après bien des efforts, le sorcier parvint tout de même à gagner sa hutte; il voulut pousser son captif dans une cage prévue à cet effet mais n'y parvenant pas, se contenta d'attacher la chaîne aux barreaux, après quoi il entreprit de piquer un somme pour se remettre de ses émotions : une entreprise bien vaine car Hokno cognait ses chaînes contre la cage le plus fort possible et aurait maintenu un cadavre éveillé. Tout ce remue ménage amusait bien -Aeonfull- mais ne l'arrangeait pas vraiment... Heureusement, Hokno finit par fatiguer et le sorcier par rejoindre les bras de Morphée. Dès qu'il l'entendit ronfler, -Aeonfull- s'introduisit avec précaution dans la hutte.


Frathurok arrivait en vue des bâtisses. Malheureusement pour lui, il y avait de longues minutes qu'il avait définitivement cessé de voir quoi que ce soit : ses yeux désormais rouges ne lui étaient plus d'aucune utilité et il se dirigeait instinctivement. Son instinct était bon : la direction qu'il prenait était à peu de choses près la bonne. Mais l'erreur était suffisante pour qu'il passe à côté du but.


Foutu, c'était foutu : le trou était trop voyant pour passer inaperçu et encore trop petit pour que Booskar puisse y passer : le garde allait le voir, appeler des renforts et lui, coincé sous le plancher, serait à jamais le détenteur du prix posthume de la mort à plus ridicule. [Le tenant du titre actuel est le gnome Havorton, mort de faim après s'être perdu dans le dédale de palissades qu'il avait bâti. Mais son corps n'ayant pas encore été retrouvé, la nomination pose quelques problèmes et les proches du précédent lauréat portent plainte, réclamant que le titre lui soit rendu][/i]
Jamais ![i] rugit intérieurement le nain et se saisissant d'une petite hache de lancer qu'il portait à la ceinture, il passa le bras dans le trou et la jeta sur une jarre contenant la sauce dans laquelle Throdd devait être cuit : celle-ci éclata et le liquide se répandit par terre. Le troll se hâta pour voir la raison de ce remue-ménage et manqua de chuter dans le trou qu'il n'avait pas vu dans sa précipitation; il s'efforça de rétablir son équilibre mais glissa sur le sol trempé et s'écroula avec fracas. Sans lui laisser le temps de se remettre, Booskar passa son torse dans l'orifice élargi par sa chute et planta d'un coup ferme sa hache dans le dos du garde. Toute cette agitation avait produit un vacarme épouvantable et le second vigile accourut à son tour. Lui qui riait déjà à l'idée de son collègue à terre se frottant la tête était attendu de pied ferme et fut très surpris de voir une hache se diriger vers la sienne à peine le seuil franchi. Son rire s'étrangla dans sa gorge.
Restait à libérer Throdd et quitter promptement les lieux : ce dernier, à en juger de l'aspect piteux de son casque, avait été assommé et il était bien trop lourd pour que Booskar puisse envisager de le porter. Il ne restait plus qu'une solution. Une solution qu'il n'aimait vraiment pas. A vrai dire, il n'était pas certain que Throdd ne préfère pas finir digéré par des trolls. Booskar sortit deux flacons de sa cuirasse et entreprit de les mélanger.

-Aeonfull- avait un avantage sur Booskar : tout troll sain d'esprit évitait autant que possible de s'approcher de la hutte du sorcier. Il n'en avait pas toujours été ainsi : ça n'avait pas été facile pour lui de se hisser à ce poste. Totalement dépourvu du moindre pouvoir, il avait dû miser sur la crédulité de son entourage, se donnant des airs mystiques et tenant des propos mystérieux, allant jusqu'à refouler sa peur des araignées et les laissant coloniser peu à peu sa demeure. Il avait disséqué des rats et des crapauds, exposé diverses parties de leur anatomie dans des bocaux, capturé un corbeau, s'était laissé pousser ongles et cheveux et avait cultivé quelques verrues bien placées. Il avait même fumé d'une substance douteuse qu'un gobelin lui avait vendu pour déformer sa voix, ce qui lui avait en prime conféré un air hagard du meilleur effet. Surtout, il avait travaillé dur pour tirer parti du moindre événement inhabituel et c'était fait, il était le sorcier de la tribu. Désormais craint et respecté, écouté du chef en personne, obéi de tous, il commençait à croire lui même en son pouvoir : n'avait-il pas celui de plier son prochain à sa volonté ? Que demander de plus ? A vrai dire, celui de survivre à un épieu de glace planté dans l'estomac n'aurait pas été mal.


Booskar tenait un flacon dans une main, un chiffon dans l'autre (en fait il s'agissait d'un morceau de la tenue d'un des gardes). Il porta le flacon aux lèvres de Throdd et lui en fit avaler le contenu. Puis, il plaqua avec force le chiffon sur la bouche de son camarade et se protégea la tête.


La légende raconte qu'il y a bien longtemps, deux elfes qui se promenaient en discutant des derniers collants à la mode tombèrent sur un cerbère affamé. Après avoir envoyé sans succès toutes leurs flèches sur la bête, ils prirent leurs jambes à leur cou et parvinrent à le distancer. Se retournant pour s'assurer que la bête avait bien abandonné la poursuite, ils trébuchèrent sur un nain ivre-mort étendu au milieu du passage. L'un des elfes, qui était alchimiste, voulut en profiter pour mener une expérience : il venait de confectionner une nouvelle potion donc la couleur rose lui paraissait un excellent présage mais dont il ignorait l'effet. Il en introduisit donc quelques gouttes dans la bouche du nain qui qui se redressa d'un bond en hurlant. Le cerbère, attiré par les cris, fit irruption et fondit sur le groupe mais il fut vite terrassé par le barbu. Les elfes, croyant que la force de ce dernier venait de la potion, se mirent à en consommer sans modération et finirent par y prendre goût, si bien que son effet énergisant supposé est aujourd'hui oublié. Et c'est tant mieux : la grenadine n'a jamais eu de quelconque effet énergisant. Mais si un nain ne se réveille pas à son contact, c'est qu'il est mort.


Throdd hurla dans le chiffon. Et encore, Booskar l'avait dilué à la bière. Gaspiller sa bière ainsi lui avait brisé le cœur mais la grenadine à l'état pur avait des effets secondaires dangereux sur les nains : ça avait tendance à les rendre allianceux.


Les quatre compères étaient déjà loin quand on trouva Frathurok : deux nains avaient été capturés, quatre trolls étaient morts. La tribu décida donc de capturer un gnome pour voir si un troll allait mourir. Voyant que non, ils en capturèrent de plus en plus pour déterminer combien de gnomes valait un nain. Tout le monde croit que les trolls sont bêtes. Mais ils sont tout de même les seuls qui ont réussi à persuader leurs captifs de bâtir leur propre enclos.